jeudi 14 juillet 2011

Les femmes de Mobono


Quelques femmes de Mobono

Lorsque j'ai visité le petit village de Mobono pour la première fois, cela m'a vraiment bouleversée. Je devais tenir une réunion avec l'Association de Mères d'Élèves de l'école primaire. À la réunion, une trentaine de femmes m'attendaient. C'était exceptionnel pour une première rencontre. Dans ce village, seulement deux bâtiments sont en ciment. L'école et la Mosquée. Toutes les autres habitations sont en terre et en paille. Je me souviens combien cela m'avait touchée de voir ces mères accompagnées d'une ribambelle d'enfants aux ventres gonflés par les vers et aux cheveux blonds, signe de malnutrition. Ce jour-là, je m'étais sentie gênée. J'avais l'impression d'être dans l'Afrique que nous présente «vision mondiale».

Je n'étais pas trop sûre de comprendre mon mandat avec ces femmes. Selon les objectifs de mon placement, j'étais venue faire du renforcement de capacités. Mais comment faire cela dans une pauvreté pareille, avec des femmes totalement analphabètes?

Ce sont les femmes elles-mêmes qui ont redéfini ma mission. Dès le premier jour, elles m'ont guidée. Elles m'ont accueillie avec ouverture et franchise.

«-Que voulez-vous faire cette année?

-On a besoin d'un moulin pour écraser le mil.

-Je ne suis pas ici pour vous donner des biens matériels. Cela ne fait pas partie des objectifs de mon placement. Il faut trouver d'autres suggestions.

(Silence)

Qu'est-ce que vous voulez faire comme activité cette année? Il faut me donner des idées pour qu'on travaille ensemble.

(Toujours un silence gêné)

Madame, c'est à vous de nous dire quoi faire. Nous ne sommes que des femmes pauvres et analphabètes. Nous n'avons pas de connaissances, pas d'idées. Tout ce ce nous connaissons, c'est le village et la houe.»

Un quartier du village
Je n'oublierai jamais cette petite discussion, car elle a influencé tout le reste de mon séjour et ma façon de voir le développement. J'ai compris que je n'étais plus dans le milieu intellectuel de la coopération internationale avec ses grands objectifs, ses philosophies et ses interminables bla bla. J'étais sur le terrain. Dans la vraie réalité où des gens luttent pour leur survie quotidienne. Ces femmes avaient exprimé un besoin lié à leur quotidien. Moi, j'avais répondu selon mes visées occidentales de la coopération et du développement. Immédiatement après ma réponse, elles s'étaient rabaissées et s'étaient dit que je devais savoir mieux qu'elles, ce qui était bon pour elles. Ça aussi, ça m'avait gênée.

Au fil de nos rencontres, j'ai appris à connaître ce groupe de femmes et à comprendre leurs réalités. Elles étaient vraiment dynamiques et toujours d'une honnêteté déconcertante. Elles assistaient en grand nombre aux réunions et elles prenaient de nombreuses initiatives. Par exemple, l'année avant mon arrivée, elles avaient commencé un champs communautaire. Malheureusement, leurs tâches ménagères et leurs obligations envers leurs maris les avaient fait échouer. Durant mon séjour, j'ai organisé plusieurs formations. Après chacune d'elles, elles organisaient à leur tour des ateliers pour partager l'information aux autres femmes du village. Pour la fête de la jeunesse en février, elles ont inventé une chanson et elles sont allées défiler ensemble. Elles ont gagné un prix pour cette initiative.

Ces femmes me motivaient.

L'Association de Mères d'élèves
Malgré mon refus du début, elles revenaient sans cesse sur le sujet du moulin. Après quelques mois dans l'Extrême Nord, j'ai compris l'importance de cette demande. Ici, le mil est indispensable à la survie de la population. C'est la seule source de féculents. Chez nous, on a le riz, le blé, les patates, l'orge, le quinoa... Pour les pauvres de l'Extrême Nord, il n'y a que le mil. Pour être consommé, il doit être écrasé pour devenir de la farine. C'est avec cette farine qu'on fait la boule et la bouillie. Comme dans ce village, il n'y avait pas de moulin, trois fois par semaine, les femmes et les petites filles d'âge scolaire devaient parcourir 10 km pour accéder au moulin le plus proche et accomplir cette corvée.


Des enfants

Un jour, le lien entre l'association de femmes, l'école, l'éducation des enfants et les objectifs de l'ONG qui m'emploie m'ont frappé aux yeux. Le moulin tant espéré était devenu la solution à bien des besoins observés sur le terrain. Puisque le mil est à la base de l'alimentation, la proximité d'un moulin signifierait l'accès à une meilleur alimentation pour tous. Des enfants mieux nourris réussissent mieux à l'école. Quand aux petites filles, elles n'auraient plus à parcourir des kilomètres à pied pour écraser le mil. Cela signifierait qu'elles resteraient plus longtemps en classe et qu'elles auraient plus de temps pour étudier. Par ailleurs, un moulin sert d'activité génératrice de revenus. Ce qui signifie que les profits de la machine pourraient servir à aider l'école, les femmes et la scolarisation des enfants. Soudain, tout m'a paru tellement évident et logique.


Cependant, comment demander à des femmes qui ont de la difficulté à nourrir leurs enfants de payer un objet aussi coûteux? Il fallait absolument rechercher des bailleurs de fonds. J'ai donc convoqué les femmes en annonçant d'avance le sujet de la réunion. L'objectif était de remplir un formulaire de demande de subvention pour obtenir la machine. Je n'oublierai jamais cette journée. Lorsque je suis arrivée, toutes les 40 femmes de l'AME de Mobono m'attendaient. Elles étaient arrivées avant l'heure, ce qui est extrêmement rare dans la région. La réunion a durée 4h. Les femmes ont bavardé sans arrêt, dans cinq langues différentes. Cette réunion a réuni les membres des quatre ethnies du village. Les Guizigas, les Foulbés, les Toupouris et les Mbororos étaient représentés. Mon collègue camerounais, seul homme présent, animait la séance et me servait d'interprète. J'ai pris un maximum de notes. Les femmes savaient exactement ce qu'elles voulaient et elles ont tout fait pour l'obtenir.

Avec les femmes

Maintenant, la suite de cette histoire semble tout droit sorti d'un conte. La réunion dont je vous ai parlé a eu lieu un jeudi. Le vendredi, j'ai finalisé la demande. Le dimanche, je me suis retrouvée, par hasard, au bon endroit, au bon moment, avec les bonnes personnes et une demande de subvention en main. Le lundi suivant, j'avais une promesse de moulin.

Les événements se sont déroulés à une vitesse tellement folle et de manière tellement imprévue, que je me demande si le marabout du village n'a pas égorgé quelques poulets pour l'occasion.

Un mois, plus tard, le moulin est arrivé au village et il a été installé dans une maison que les femmes ont elles-mêmes construite. À Mobono, ce fut la fête.

Devant le moulin

Aujourd'hui, le moulin fonctionne bien. Il est géré par les femmes qui ont suivi une formation sur la vie associative, la gestion d'un moulin et la gestion financière. Toutes ces formations ont été adaptées pour un public analphabète. Avec mes préjugés occidentaux, je ne pensais pas que des femmes qui ne sont jamais allées à l'école pourraient accomplir de telles choses. Pourtant, jusqu'à mon départ, elles n'ont cessé de me surprendre et de m'impressionner par leur façon de faire.

Je ne saurais terminer cette histoire sans parler du beau cadeau que l'association m'a faite avant de partir. Un après-midi, alors que je lavais tranquillement mes vêtements dans la cour de la maison, j'ai reçu une agréable visite. La présidente de l'association et trois autres membres avaient parcouru 10 km à pied, non pas pour écraser le mil, mais pour me remettre un cadeau. Une grande pièce de tissus africain et … un coq vivant!

Les cadeaux

Je suis de retour à Montréal. Cet article est la dernière publication de mon blog. Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont lue, ceux qui m'ont répondu et ceux qui m'ont soutenue durant les 11 derniers mois. Cela m'a fait plaisir de partager ce que je vivais avec vous et encore plus de savoir que cela vous plaisait. Merci du fond du cœur. Comme on dit au Cameroun: «on est ensemble!».


mardi 14 juin 2011

La danse de la pluie


Jour J, à midi...

Depuis le début de la saison des pluies, il pleut partout, sauf sur Mouda et ses environs. Parfois, la situation est même ironique. Le village est un excellent point d'observation pour tous les orages environnants. Un soir, alors que j'étais assise sur mon balcon, j'ai pu avoir une vue panoramique et parfaitement circulaire de tous les orages en cours. Ils formaient un cercle parfait autour de Mouda. C'était exactement comme un beigne de chez Dunkin Donut. Ceux qui ont un trou au milieu. Mouda était le trou. Il n'y avait rien. Pas une goutte de pluie et le ciel était étoilé. Tout autour, il y avait de gros nuages noirs, le tonnerre grondait et des éclairs déchiraient le ciel. Étrange... Les villageois attribuent la faute à un Nasara (un homme blanc) qui est chargé de réparer un pont à côté du village. Selon eux, le Nasara utiliserait une technologie sophistiquée qui permettrait de dissoudre les nuages et de chasser la pluie.

Devant cette situation critique, le Massay du village, qui est une sorte de sorcier guiziga, a décrété qu'il était temps d'organiser la danse de la pluie.

Après avoir consulté les ancêtres, une date fut fixée. Ce jour-là, le Massay chasserait les mauvais esprits, le village serait purifié et l'eau viendrait arroser les terres arides. La veille du jour J, le chef du village a soufflé dans sa flûte pour annoncer que le lendemain, les hommes partiraient à la chasse. Après chaque coup de flûte, tous les enfants, de tous les quartiers de Mouda ont crié en cœur :«Asso maindra!», ce qui signifie : «Que la chance revienne sur mon quartier!». Le vacarme a duré plusieurs minutes.


Allons danser!!!

 
Selon la tradition Guiziga, avant chaque cérémonie de ce genre, les hommes partent en brousse pour la chasse traditionnelle. Armés de dangereux... bâtons de bois! Ils se déplacent en grand groupe et ils capturent tout ce qu'ils trouvent. Sur les terres sèches entourant le village, on ne capture pas de gros gibiers. En général, ces chasseurs plus enthousiastes que téméraires ramènent des pintades sauvages, des perdrix, des lapins ou des serpents. Ces prises sont essentielles pour l'accomplissement des rites ancestraux. Ils servent de sacrifices. Par la suite, ces sacrifices sont cuisinés par les femmes et consommés par les vieux du village. Lorsque les hommes reviennent de la chasse, ils chantent en cœur des chants victorieux en brandissant leurs armes et les bêtes capturées à la chasse. Les femmes, quand à elles, attendent l'arrivée de leurs vaillants chasseurs et les accueillent par des cris de joies. À la fin, dans une joyeuse cacophonie, tout le monde, hommes, femmes et enfants dansent autour du grand tamtam.


 
La première fois que je me suis retrouvée sur le chemin d'un groupe de chasseurs, j'ai eu la frousse de ma vie. J'étais toute seule, en pleine brousse, lorsqu'un groupe d'hommes torses nus a surgit de nulle part. Ces hommes se dirigeaient tout droit vers moi en chantant et en brandissant des bâtons! Vraiment pas rassurant... Heureusement, j'ai reconnu le cousin d'un voisin. Il s'est approché de moi en souriant (mais toujours armé de son bâton). Il m'a expliqué la situation. Il m'a fièrement montré le fruit de leur chasse, une perdrix sauvage. Je lui ai dit que ça ressemblait à un gros poulet. Il n'a pas apprécié. Après avoir jeté un dernier coup d'œil à son bâton, je n'ai pas insisté et je l'ai félicité pour la belle prise.

Les hommes au retour de la chasse

 
Je m'écarte un peu du sujet. Revenons à la danse de la pluie. C'est la fin de cette histoire qui vaut la peine d'être lue. Le fameux jour J, vers 13 heures, après que les hommes soient revenus de la chasse et que les femmes les aient accueillis en héros, tout le village s'est réuni autour du grand tam tam pour danser dans un désordre parfaitement ordonné. La fête devait continuer jusqu'à la nuit. Cependant, deux heures plus tard, l'incroyable s'est produit. À 15h03 précisément, le ciel s'est tout d'un coup assombri et un orage à éclaté.

À 15h03, vrai de vrai, il a commencé à pleuvoir sur Mouda. De grosses gouttes. Tonnerre et éclairs compris. À un certain moment, il a même grêlé!!! De la glace est tombée sur nos têtes. Je l'ai vu, je l'ai vécu et je peux en témoigner. La danse de la pluie existe et cela fonctionne. Les sorciers Guizigas sont puissants.

Je me demande s'il existe l'équivalent pour faire revenir l'électricité...

jeudi 2 juin 2011

Mouda en images


Chez les voisins

Depuis quelques temps, j'ai le syndrome de la page blanche. Je ne sais plus quoi écrire. Après neuf mois à Mouda, ce que je trouvais tellement exotique et dépaysant fait maintenant partie de ma routine quotidienne. 

Puisqu'une image vaut mille mots, dans cette publication, je laisserai parler les photos. Ce sont quelques scènes de mon village d'adoption.



Le mil

Le mil rouge, jaune et blanc
La boule et la sauce verte
Le mil assure la survie des populations de l'Extrême Nord. C'est la principale denrée cultivée dans cette région du Cameroun. C'est le seul féculent consommé par mes voisins à Mouda. Le matin, ils le mangent sous forme de bouillie. Le midi, c'est la boule de mil accompagnée d'une petite sauce de feuilles vertes et de poisson séché. Le soir, c'est encore la boule accompagnée de la même petite sauce verte. L'alimentation de mes voisins n'est pas diversifiée. À Mouda, on se pose rarement la question «Qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui?». Un jour, j'ai découvert que l'huile, le sucre, les fruits et les légumes étaient pour mes voisins des produits de luxes rarement consommés.

«Sawa zum dafa!» / «Viens manger!»

Pourtant, le repas reste un moment de partage. Lorsqu'il est temps de manger, tous ceux qui sont présents sont invités à partager le repas qui est servi dans un seul plat. Les femmes mangent dans le plat des femmes et les hommes mangent avec les hommes. Ici, on mange avec la main. Il faut prendre un petit morceau de boule et le tremper dans la sauce. Tous les jours, mes voisines m'invitent à partager leur repas et elles n'acceptent pas que je refuse!

La préparation du vin

Le mil sert aussi à faire «le vin». Le vin, c'est la bière de mil. Il est consommé en grande quantité par les Guizigas, la principale ethnie de Mouda. À Mouda, les gens sont chrétiens. Ils ont donc le droit de boire de l'alcool. Ils en profitent bien!!! Le vin se boit dans une calebasse et cela se fait toujours en groupe. Un moment passé dans un cabaret où on sert le «Muzum» ou le «Bil Bil» est toujours synonyme de rencontres, de confidences, de créations de liens et de retrouvailles. Se retrouver devant une calebasse de vin, signifie plus que de simplement boire de l'alcool. C'est aussi le seul loisir de ce petit village de brousse.

La dégustation du vin

 
Les travaux d'hommes

La fabrication d'un toit
Dans mon village d'adoption, les maisons sont construites avec de la boue et les toits sont faits de paille. Comme ces abris sont précaires, il faut souvent les reconstruire et refaire les toits. Construire une case, aussi appelée boukarou, est un travail d'hommes. Pour construire un boukarou, il faut utiliser de la boue argileuse pour fabriquer les murs. Ensuite, il faut assembler de la paille et la coudre pour produire le toit. Une fois le toit terminé, il faut le poser sur les murs. L'installation d'un toit est une démonstration de solidarité entre voisins. Il faut être nombreux pour le faire.


Le transport du toit
                                        

 
Le grand tam tam
En attendant le début de la fête...
Les jours de fêtes sont synonymes de beaucoup de vin... mais aussi de danse. Pour chaque occasion, on sort le grand tam tam de fête. Le son de ce tam tam porte très loin. On peut l'entendre dans le village voisin.








BBQ à Mouda

 
La viande grillée
Miam!!
C'est de la viande bien fraîche. Il m'est déjà arrivée de créer un lien avec un boeuf qui, par la suite, a été égorgé, découpé et grillé et devant moi. C'était quand même bon!




Le salon de coiffure

Voici le salon de coiffure de Mouda. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas eu l'occasion de l'essayer. Une histoire à suivre...
Salon de coiffure



dimanche 1 mai 2011

La chaleur

Coucher de soleil sur le Sahel
JE VEUX AVOIR FROID!!!

Je n'aurais jamais pensé dire cela un jour, mais je rêve de grelotter, de porter un manteau, d'avoir les doigts gelés et le nez qui coule. Mmm! Le souvenir de l'hiver me semble aujourd'hui si doux...

Depuis quelques semaines, le mercure dépasse souvent les 40°C le jour et il descend rarement en dessous de 35°C la nuit. J'ai l'impression de vivre dans un fourneau. Tous les matins, je me réveille dans des draps trempés de sueur. Je transpire toute la journée et je n'ai de répit que durant les quelques minutes qui succèdent mes nombreuses «douches». Comme il n'y a pas d'eau courante à Mouda, je dois remplir un sceau et verser de l'eau sur mon corps. C'est beaucoup de travail pour se rafraîchir! L'eau de ma «douche» est toujours bien chaude, tout comme les vêtements que je porte après. Résultat : 5 minutes après m'être lavée, j'ai aussi chaud qu'avant.

J'ai bien un ventilateur, mais il ne fait que pousser de l'air chaud et sec. C'est comme si j'utilisais un séchoir à cheveux pour me rafraîchir. Parfois la nuit, je dois dormir dehors, car à l'intérieur, la température est insupportable. «Dormir» est un bien grand mot. Je devrais plutôt dire que je me «repose» un peu, puisque les chèvres, les ânes, les bœufs, les moutons, les coqs et les chiens du village font assez de vacarme pour me rappeler que je suis sur leur territoire.

Un après-midi typique

Vraiment, cette chaleur me dépasse! Ma nouvelle obsession est de trouver tous les moyens possibles pour rester le plus longtemps au frais. Depuis que j'ai eu l'idée brillante de faire du vélo sous le soleil de midi et qu'un coup de chaleur m'a clouée au lit pendant 24h, j'ai changé mes habitudes de vie. Maintenant, je ne sors plus de la maison entre 11h et 15h30. Durant ces heures critiques, je m'enveloppe dans un grand tissu mouillé, je m'assois devant le ventilateur et je ne bouge plus. Je bois continuellement de l'eau glacée et je m'assure que tout ce qui passe par ma bouche est froid. Je fais même refroidir mes toasts avant de les manger. Souvent, je rajoute de la glace dans mon sceau avant de me laver et je mets mes vêtements de rechange au réfrigérateur pour qu'ils soient frais après ma douche. Je bouge lentement, je parle lentement, je vis lentement et je réfléchis lentement.

Mes deux meilleurs amis sont désormais le ventilateur et le réfrigérateur. S'il y a coupure d'électricité, je suis au désespoir.

Le Flamboyant de Mouda

Heureusement, le flamboyant de Mouda est en fleurs. C'est l'arbre qui annonce le début de la saison des pluies. Alors que tout est jaune et sec autour, le flamboyant se démarque par ses fleurs rouges écarlates. Pour moi, c'est l'arbre de l'espoir. La semaine dernière, Mouda a reçu quelques gouttes de pluies après 6 mois de sécheresse. Bientôt l'eau viendra éteindre le brasier dans lequel je vis.

samedi 2 avril 2011

La mort

Un dimanche matin comme les autres, je suis réveillée, j'ai préparé du café et juste lorsque je m'installais pour siroter ma drogue quotidienne, j'ai entendu des hurlements qui venaient de la concession voisine.  La boisson chaude que j'aime tant est soudain devenue bien amer, car j'ai tout de suite compris le motif de ces cris. Ma voisine préférée venait de perdre sa mère.

Je savais que ça allait arriver. Les deux jours précédents, la mère a souffert le martyr. Elle a perdu beaucoup de sang et elle ne pouvait même plus s'asseoir. Elle avait mal partout. Cette femme souffrait depuis 1 an et demi. Sans arrêt. Elle avait attrapé une bactérie. Quelque chose qu'on aurait soigné super rapidement au Canada. Malheureusement, son cas s'est aggravé. La famille a attendu avant d'aller à l'hôpital. Payer l'équivalent d'un dollar pour prendre le bus et se rendre en ville est déjà une grosse somme pour eux alors imaginez pour les médicaments! À l'hôpital, on n'a rien trouvé… Alors, la famille s'est tournée vers les médecines traditionnelles. Ils ont amené la mère chez un charlatan (médecin traditionnel, un peu sorcier) et celui-ci a charcuté la mère. Il l'a «opéré» à froid et dans des conditions pas hygiéniques. Les plaies se sont infectées et la femme s'est retrouvée dans un vrai hôpital (qui ressemble plus à une clinique provisoire). Là-bas, on l'a soignée. Ensuite, elle est rentrée à la maison, elle a pris des médicaments super couteux pendant trois semaines et elle est retombée malade. Ses plaies se sont réinfectées et l'infection s'est propagée au reste du corps. Un matin, la femme a commencé à saigner du nez et comme la famille était à cours de moyens, ils n'ont pu que la regarder dépérir. Après de longs mois de souffrance, elle a finalement rendu l'âme.

Les cris de ce fameux dimanche matin ne m'ont donc pas trop surprise. J'ai tout de suite deviné ce qui s'était passé et je suis directement allée chez eux. J'ai trouvé ma voisine assise dans un petit coin. Un groupe de femmes l'entourait. Elle était inconsolable. Elle pleurait, elle criait et elle chantait. On aurait dit qu'elle avait perdu la tête. Elle n'arrêtait pas de dire des choses dans sa langue. Je ne comprenais rien, mais c'était tellement triste.

Au début, nous n'étions qu'une dizaine de femmes assises par terre, devant la case de la mère. Peu de temps après, le défilé des pleureuses a commencé.  Elles arrivaient à tout moment en pleurant plus fort que les précédentes. Celles qui étaient déjà présentes les accueillaient aussi par des sanglots et des chants mélancoliques. Parfois, certaines se jetaient et se roulaient  dans le sable en hurlant leur douleur. Immédiatement,  des vieilles venaient les relever et criaient pour qu'elles se calment. À la fin, personne n'était calme et tout le monde pleurait.

Les hommes, plus tranquilles, étaient assis ensemble sous un arbre, un peu plus loin. Ils parlaient à peine et ne bougeaient pas trop. Quelques-uns creusaient un grand trou à côté de la concession. Juste derrière ma maison...

La mère est morte vers 8h. À 10h, on l'a enterrée à côté de sa maison. Avant de la mettre en terre, un prêtre est venu dans la concession. En 10 minutes, une centaine de personnes se sont rassemblées pour une courte cérémonie. Une fois la prière terminée, on a enveloppé le corps dans un tapis de paille et on l'a emporté dehors pour le poser dans le trou. Il y a eu d'autres prières et les hommes ont recouvert le corps avec de la terre.

Ensuite, les gens sont retournés chez la défunte. Le deuil a duré trois jours. Le spectacle des pleureuses a duré trois jours. Heureusement les soirs, l'ambiance était plus sereine. Les voisins et la famille se réunissaient pour chanter des cantiques jusqu'à l'aube. C'était beau à voir et à entendre.

Ici, tout le monde est toujours en deuil. Depuis mon arrivée, une vingtaine de personnes de mon entourage ont perdu la vie. Je n'exagère pas. La plupart de ces décès sont dus à des maladies qui, selon moi, seraient rapidement et facilement soignées au Canada. Il y a aussi de nombreux cas de mortalité infantile et beaucoup d’accidents dus à la négligence.

Ici, les gens semblent accepter facilement la mort. «C'est Dieu qui décide» disent-ils souvent. Des fois, je me demande pourquoi ce Dieu est aussi cruel avec les gens de l'Extrême Nord. J'ai du mal à imaginer qu'on puisse s'habituer à perdre les gens qu'on aime. J'ai du mal à comprendre qu'on puisse facilement accepter de devenir orphelin, accepter de perdre ses propres enfants, accepter de voir mourir celui qu'on aime.

Ce jour-là chez ma voisine, mon amie, j'ai beaucoup pleuré. J'ai pleuré un peu la mort de sa mère et beaucoup l'injustice de la vie. J'ai pleuré sur l'inégalité des chances, sur ce fossé qui existe entre les riches et les pauvres. C’est comme s'il y avait deux catégories d'êtres humains. Une catégorie qui vit relativement bien et une autre qui doit accepter les pires souffrances. J'ai pleuré de rage. La vie est tellement injuste.



lundi 7 mars 2011

Les femmes

Le transport de l'eau
Lorsque le soleil se lève sur Mouda, une longue journée de travail commence pour les femmes du village.

Dès 5h30, la femme doit se lever pour aller chercher de l'eau pour son mari et ses enfants. Ici, l'expression «l'or bleu» prend tout son sens puisqu'il n'y a pas d'eau courante et les points d'approvisionnement sont rares. La source la plus populaire est située à 15 minutes de marche du village, derrière deux collines difficiles à traverser. L'eau se porte sur la tête, par les femmes et les filles. Elles peuvent transporter jusqu'à 40 kg à chaque fois et elles doivent faire plusieurs tours pour combler les besoins de la famille.

Préparation de la bouillie
Une fois la corvée de l'eau terminée, la femme doit cuisiner la bouillie pour les enfants et les préparer pour l'école. Comme les familles sont nombreuses, il y a beaucoup d'enfants à préparer et beaucoup de bouches à nourrir.


Balayer la cour, mon activité préférée...

Ensuite, elle lave la vaisselle sale de la veille, elle nettoie la maison et elle balaie la cour. Une fois ces tâches ménagères terminées, elle est prête à aller travailler dans le champs de son mari ou encore, ce qui est plus rare, à se rendre au travail. Au champs, il n'y a pas d'outils sophistiqués pour cultiver la terre. Tout se fait avec la machette, la houe et la force des bras.

De retour avec le bois de cuisson

À son retour, elle retourne puiser de l'eau et elle prépare la nourriture du soir. Ces jours-ci, c'est le temps de la récolte du mil jaune. Beaucoup de femmes rentrent du champs vers 18h. À part ces tâches quotidiennes obligatoires, les femmes du village doivent aussi aller chercher du bois de cuisson très loin dans la brousse, laver les vêtements de toute la famille, surtout ceux du mari, piler et préparer le mil. Ici, tout se fait à la main et le bébé au dos. Il n'y a pas de machine à laver et pas de robot culinaire.

Les tâches ménagères sont uniquement pour les femmes et les filles. Qu'elles soient jeunes, vieilles, enceintes ou malades. Le sort est le même pour tout  membre du sexe féminin, quelque soit son âge et sa condition physique. Les élèves du primaire ne sont pas épargnées, ni celles du lycée, ni les vieilles qui se promènent avec une canne, ni les futurs mamans qui sont dans un stade de grossesse avancée. S'il y a beaucoup de filles dans une famille, elles se partagent le travail. S'il n'y en a qu'une, elle fait tout, toute seule. C'est la coutume.


Des voisines en train de faire la lessive
 Si une femme ne travaille pas bien et si elle n'obéit pas à son mari, ce dernier doit alors la corriger. Une bonne épouse doit toujours bien se comporter, demander la permission avant de sortir et respecter toutes les décisions de son époux. Si elle désobéit, elle doit en subir les conséquences. C'est la tradition.

Le rôle de l'homme est de nourrir sa famille. Selon la coutume, c'est lui qui possède les terres et la maison. Donc, quand une femme se marie, elle va vivre chez son époux et elle va travailler à la sueur de son front sur les terres de celui-ci. À la fin, l'argent des récoltes revient au chef du foyer, puisque les terres lui appartiennent. C'est de cette façon qu'il amène l'argent dans la famille.

Une voisine en train de piler le mil
L'homme a aussi le droit de posséder plusieurs femmes. Si elles ne lui suffisent pas, il a d'autres amies ailleurs. Si une de ses épouses l'embêtent, il peut la chasser. Elle part seule et lui, il garde les enfants. Si un jour, le mari meurt, ses propriétés reviennent à ses fils. Une fille ne peut hériter d'un terrain, puisqu'un jour, elle va se marier et elle appartiendra à une autre famille.

Demain, ce sera le 8 mars. La journée internationale de la femme. Je ne sais pas trop quoi penser de cette journée. Toutes les femmes du Cameroun se préparent à faire la fête. Un tissu spécial est sorti pour l'occasion. Toutes celles qui en ont les moyens l'ont acheté et se sont fait coudre un habit neuf. Les femmes de Mouda aussi fêteront demain. Si leur mari le leur permet.

Le jour suivant, ce sera le 9 mars et la vie continuera comme avant. Hommes et femmes respecteront les coutumes et les traditions...
Le transport de l'eau


lundi 28 février 2011

Le travail


Steph au travail

Si j'ai un peu négligé le blog ces derniers temps, c'est parce que je vais bien et que le travail me tient très occupée. Lorsque que j'ai commencé ce blog, je m'étais promis de ne pas parler du travail que je fais ici. Aujourd'hui, les choses ont changé. Je trouve mon travail aussi intéressant que mes aventures au Cameroun et j'ai envie de le partager avec vous.

Mon mandat avec VSO s'est précisé avec le temps. Alors que les premiers mois ont été plutôt calmes, les dernières semaines ont été particulièrement chargées, tout comme les semaines à venir. Ici, je suis conseillère en développement scolaire. Je n'enseigne pas dans les classes, mais je fais tout un tas d'activités liées à l'éducation de base. J'interviens dans quatre écoles primaires situées dans quatre villages différents.

La situation scolaire de l'Extrême Nord est bien différente de celle du Québec. Dans les écoles primaires, il manque de tout: enseignants, matériels didactiques, infrastructures, personnels qualifiés, etc.. Le contexte culturel est complexe et la pauvreté y est présente dans toutes les sphères de la vie. J'ai passé beaucoup de temps à observer avant de commencer à agir.


La pire salle de classe que j'aie visitée.

Je travaille principalement avec des associations qui ont pour but de soutenir l'école. Ces associations sont les APEEs (Association de Parents d'Élèves et Enseignants) et les AMEs (Associations de Mères d'Élèves).

L'APEE a pour but de mobiliser tous les parents afin qu'ils s'impliquent dans les activités de l'école. Chaque APEE a un comité directeur qui est le pilier de l'association. Il s'occupe de la collecte de l'argent ou du mil. Souvent, les parents ne peuvent pas donner d'argent, alors ils paient en nature en donnant le fruit de leurs récoltes, le mil. Le comité directeur planifie aussi les activités et organise les assemblées générales. L'argent recueilli par l'association sert à payer le salaire de certains enseignants et à combler les manques de l'école.


L'école de Sarmoizougui

Malheureusement, la tâche est lourde. Les écoles manquent vraiment de tout et les parents les plus impliqués ont du mal à mobiliser les autres parents de la communauté. Ces derniers ne paient pas leurs cotisations ce qui affecte l'efficacité de l'APEE. De plus, ce concept est relativement nouveau et tous les membres de la communauté ne comprennent pas l'utilité de ces associations. Pour terminer, l'isolement de ces villages, la tradition et le taux d'analphabétisme élevé de la population rendent le travail encore plus difficile.

Je travaille aussi avec les AMEs, c'est-à-dire les Associations de Mères d'Élèves. À cause de plusieurs facteurs culturels et sociaux, les femmes ne participent pas aux réunions de l'APEE et elles ont moins de pouvoir que les hommes dans l'éducation de leurs enfants. À la maison, elles doivent obéir à leur mari et elles n'ont pas le droit de le contredire. C'est l'homme qui prend les décisions. Peu importe la décision. Même lorsqu'elle concerne l'éducation des enfants que les femmes mettent au monde dans la souffrance. C'est le père qui est convoqué aux réunions de l'école et il n'enverra pas sa femme à sa place.

Si l'objectif premier des AMEs est de promouvoir l'éducation de la jeune fille, dans les faits, c'est avant tout une occasion pour les femmes de se regrouper et de s'impliquer davantage dans l'éducation de leurs enfants et dans les prise de décisions de l'école. Lorsqu'elles font partie d'une AME, elles deviennent plus fortes et elles peuvent réaliser des choses ensemble. L'AME leur offre un espace où elles peuvent s'exprimer et où leur opinion a de la valeur.

 

Journée de formation pour une AME

Comme je l'expliquais au début de cet article, j'ai longtemps observé avant d'agir. Au début, tout me semblait tellement compliqué. Puis un jour, j'ai commencé à participer activement aux réunions des associations de parents et à proposer des idées. Ensuite, j'ai commencé à faire des formations pour des groupes précis, ayant des besoins ciblés. Ensemble, nous avons commencé des petits projets concrets, simples, mais utiles. Par exemple sur cette photo, les femmes de mon village ont reçu une formation sur la fabrication du foyer amélioré, une solution locale au problème de la coupe du bois de cuisson. Ce petit four se fabrique avec de l'argile, de la paille et des excréments d'ânes. Après cet atelier, mes mains ont senti le kaka d'âne pendant toute une journée!!



Sensibilisation à Mobono

J'ai aussi mené un projet de sensibilisation à ma façon. J'ai décidé d'utiliser l'art pour faire passer un message. Pour rassembler les gens, les faire réfléchir et les divertir j'ai eu l'idée d'utiliser la musique et le théâtre. J'ai donc rejoint un chanteur, je lui ai demandé de composer une chanson qui parle de tous les problèmes rencontrés par les acteurs de l'éducation. Il en a composé une version en français et une autre en guiziga, la langue locale. Les villageois ont tout de suite adopté la chanson. J'ai aussi écrit cinq petits sketchs que j'ai remis à un groupe d'acteurs. Eux, ils y ont rajouté leur sauce, leurs épices pour en faire une belle œuvre en langue guiziga. Avec tout ce matériel, nous avons organisé quatre représentations. À chaque fois, ce fut un succès. La chanson à gagné les cœurs et le théâtre en a fait réfléchir plusieurs. Après chaque événement, le public repartait heureux et plus instruit. Plusieurs centaines de spectateurs se sont présentés à ces sensibilisations.

 
Je n'ai aucune raison pour ne pas me donner à fond dans le travail et c'est ce que je fais. Voilà pourquoi je ne me manifeste pas trop ces derniers temps. Avant de terminer, je tiens à dire que je ne réussirais pas grand chose sans la collaboration de Aminou, mon coéquipier. Je ne suis jamais seule sur le terrain et sans la présence d'un volontaire national, mon travail n'aurait pas la même valeur.

L'équipe

dimanche 23 janvier 2011

En cuillère avec Elvis



Avant la randonnée

L’histoire commence par l’idée lumineuse d’une de nos camarades. Pour préserver son anonymat, appelons la MF. Un bon matin, MF propose une randonnée de trois jours sur le Mont Cameroun, un volcan en activité. Ne sachant pas ce que cela impliquait et toujours prête à vivre une nouvelle aventure, j’ai accepté de me joindre au groupe. Pour l’occasion, je me suis même acheté un petit «kit Mont Cameroun». La classe non!

Après avoir payé une fortune pour les droits d’accès à la montagne, la location des sacs de couchage, le salaire des porteurs et la nourriture, nous étions prêts à atteindre le sommet situé à 4000 m d’altitude. Trois jours de marche nous attendaient. Le premier jour, nous devions marcher 8h, le deuxième 11h et le dernier jour, un petit 7h...

Le brouillard
Les deux premières heures ont été fort agréables. Nous étions comme des petits scouts en randonnée dans la forêt tropicale. Nous chantions, nous riions, nous étions insouciants, bref la vie était belle. Ce bonheur n’a duré que deux heures. Il a disparu une fois arrivé dans la savane*. À partir de ce moment, la souffrance a commencé. Nous n’avons fait que grimper, grimper et encore grimper. Il n’y avait rien d’autre à faire. Il était même difficile d’admirer le paysage puisqu’un épais brouillard entourait la montagne.



Au milieu de nulle part...
 Après six heures d’escalade, nous sommes arrivés dans la cabane de tôle où nous allions passer la nuit. Elle était laide, sale, délabrée et couverte de graffitis. Ce n’était pas rassurant mais... Avions-nous d’autre choix? Après avoir mangé et écouté une certaine histoire de beignet magique... Nous sommes allés nous coucher dans l’horrible abri, où il faisait terriblement froid. Sur le plafond, on pouvait lire : «Elvis was here». Je me suis donc assoupie en pensant à Elvis. Je commençais tout juste à m’endormir lorsque j’ai entendu un vacarme dans la cabine voisine. Était-elle hantée?? Avant de nous coucher, nous étions seuls dans ces lieux et voilà qu’en plein milieu de la nuit, on entendait des voix. J’ai vraiment eu la frousse. Était-il possible que des gens escaladent la montagne la nuit, par un froid pareil?? Cela me paraissait invraisemblable. Pourtant, ce n’était pas des fantômes qui occupaient les lieux, mais un groupe de jeunes irrespectueux. Toute la nuit, ils ont eu un débat bruyant sur ... la meilleur façon de préparer du poulet! Leur tapage a duré jusqu’aux petites heures du matin.

Ce n’est pas tout! La cerise de la montagne a été la rencontre avec notre nouveau coloc. Au beau milieu de la nuit, MF a commencé à s’agiter dans son sac de couchage. Prise de panique, elle a allumé sa torche pour éclairer... les yeux luisants d’un rat immense qui se promenait juste à côté de nos têtes. Nous nous sommes tous levés pour emballer la nourriture, en espérant que le rat se pousse. Cela n’a pas un brin découragé notre ami rongeur qui a passé la nuit à se balader entre nos sacs de couchage. Le lendemain matin, une belle surprise attendait une de mes camarades. La bête avait rongé son sac jusqu’à le trouer.

La savane
Après cette horrible nuit, onze heures de marche nous attendaient. Il restait quatre heures d’escalade sauvage avant d’arriver au sommet et par la suite, c’était la descente qui commençait. Sans aucun enthousiasme, j’ai repris la route. Plus on montait, plus il faisait froid. À chaque fois qu’on atteignait un sommet, un autre plus haut se dressait derrière. On était perdu au milieu de nulle part, je manquais de sommeil, il faisait froid et j’avais mal partout.

Alors que nous étions presque arrivé au cratère, MF a craqué. Ses genoux ne pouvaient plus la soutenir. Celle-là même qui nous avait traîné jusque-là, était forcée de rebrousser chemin, à une heure du sommet. Comme je ne voulais pas la laisser redescendre seule et que l’idée de me faire photographier dans mon kit vert fluo ne m’excitait plus comme avant, j’ai décidé de la raccompagner.

MF, incognito...

Nous sommes donc revenus sur nos pas. Dans ma tête, nous pouvions être en ville avant la nuit. Je rêvais d’un bon lit chaud dans une chambre propre sans amis indésirables. J’imaginais la fin de mon calvaire. Malheureusement, je rêvais en couleur. Mon amie souffrait vraiment. Il a fallu 7h pour parcourir la même distance du matin. Le soir, j’ai encore partagé ma couche avec l’horrible bestiole qui était plus hyperactive que la nuit précédente.

Le lendemain, la descente a duré 10h. Elle aurait plus être plus longue si nos porteurs deux fois plus petits et plus minces que MF n’avaient pas décidé de la porter sur leurs épaules, à l’envers, comme un sac de patates!!! J’en ri encore!!

Avec un peu de recul, j’ai essayé de trouver des points positifs à cette aventure. À part une bonne histoire à raconter sur mon blog, j‘ai du mal à en trouver. Durant toute la semaine qui a suivi cette aventure, j‘ai marché comme une handicapée tellement j‘avais mal. Quand à MF, elle a les genoux disloqués, quelques ongles d‘orteils de moins et une infection sévère aux pieds. Un mois plus tard, elle doit encore se soigner.

Un mois plus tard...

Pour clore cette histoire, je voudrais la dédier à mon ami le rat, allias Elvis, avec qui j’ai partagé beaucoup d’intimité.

*Dormir en cuillère = dormir collé, collé avec une personne (généralement du sexe opposé), qu’on aime bien (habituellement!)
*Savane = endroit où poussent des herbes hautes sur une montagne à pic.