mardi 14 juin 2011

La danse de la pluie


Jour J, à midi...

Depuis le début de la saison des pluies, il pleut partout, sauf sur Mouda et ses environs. Parfois, la situation est même ironique. Le village est un excellent point d'observation pour tous les orages environnants. Un soir, alors que j'étais assise sur mon balcon, j'ai pu avoir une vue panoramique et parfaitement circulaire de tous les orages en cours. Ils formaient un cercle parfait autour de Mouda. C'était exactement comme un beigne de chez Dunkin Donut. Ceux qui ont un trou au milieu. Mouda était le trou. Il n'y avait rien. Pas une goutte de pluie et le ciel était étoilé. Tout autour, il y avait de gros nuages noirs, le tonnerre grondait et des éclairs déchiraient le ciel. Étrange... Les villageois attribuent la faute à un Nasara (un homme blanc) qui est chargé de réparer un pont à côté du village. Selon eux, le Nasara utiliserait une technologie sophistiquée qui permettrait de dissoudre les nuages et de chasser la pluie.

Devant cette situation critique, le Massay du village, qui est une sorte de sorcier guiziga, a décrété qu'il était temps d'organiser la danse de la pluie.

Après avoir consulté les ancêtres, une date fut fixée. Ce jour-là, le Massay chasserait les mauvais esprits, le village serait purifié et l'eau viendrait arroser les terres arides. La veille du jour J, le chef du village a soufflé dans sa flûte pour annoncer que le lendemain, les hommes partiraient à la chasse. Après chaque coup de flûte, tous les enfants, de tous les quartiers de Mouda ont crié en cœur :«Asso maindra!», ce qui signifie : «Que la chance revienne sur mon quartier!». Le vacarme a duré plusieurs minutes.


Allons danser!!!

 
Selon la tradition Guiziga, avant chaque cérémonie de ce genre, les hommes partent en brousse pour la chasse traditionnelle. Armés de dangereux... bâtons de bois! Ils se déplacent en grand groupe et ils capturent tout ce qu'ils trouvent. Sur les terres sèches entourant le village, on ne capture pas de gros gibiers. En général, ces chasseurs plus enthousiastes que téméraires ramènent des pintades sauvages, des perdrix, des lapins ou des serpents. Ces prises sont essentielles pour l'accomplissement des rites ancestraux. Ils servent de sacrifices. Par la suite, ces sacrifices sont cuisinés par les femmes et consommés par les vieux du village. Lorsque les hommes reviennent de la chasse, ils chantent en cœur des chants victorieux en brandissant leurs armes et les bêtes capturées à la chasse. Les femmes, quand à elles, attendent l'arrivée de leurs vaillants chasseurs et les accueillent par des cris de joies. À la fin, dans une joyeuse cacophonie, tout le monde, hommes, femmes et enfants dansent autour du grand tamtam.


 
La première fois que je me suis retrouvée sur le chemin d'un groupe de chasseurs, j'ai eu la frousse de ma vie. J'étais toute seule, en pleine brousse, lorsqu'un groupe d'hommes torses nus a surgit de nulle part. Ces hommes se dirigeaient tout droit vers moi en chantant et en brandissant des bâtons! Vraiment pas rassurant... Heureusement, j'ai reconnu le cousin d'un voisin. Il s'est approché de moi en souriant (mais toujours armé de son bâton). Il m'a expliqué la situation. Il m'a fièrement montré le fruit de leur chasse, une perdrix sauvage. Je lui ai dit que ça ressemblait à un gros poulet. Il n'a pas apprécié. Après avoir jeté un dernier coup d'œil à son bâton, je n'ai pas insisté et je l'ai félicité pour la belle prise.

Les hommes au retour de la chasse

 
Je m'écarte un peu du sujet. Revenons à la danse de la pluie. C'est la fin de cette histoire qui vaut la peine d'être lue. Le fameux jour J, vers 13 heures, après que les hommes soient revenus de la chasse et que les femmes les aient accueillis en héros, tout le village s'est réuni autour du grand tam tam pour danser dans un désordre parfaitement ordonné. La fête devait continuer jusqu'à la nuit. Cependant, deux heures plus tard, l'incroyable s'est produit. À 15h03 précisément, le ciel s'est tout d'un coup assombri et un orage à éclaté.

À 15h03, vrai de vrai, il a commencé à pleuvoir sur Mouda. De grosses gouttes. Tonnerre et éclairs compris. À un certain moment, il a même grêlé!!! De la glace est tombée sur nos têtes. Je l'ai vu, je l'ai vécu et je peux en témoigner. La danse de la pluie existe et cela fonctionne. Les sorciers Guizigas sont puissants.

Je me demande s'il existe l'équivalent pour faire revenir l'électricité...

3 commentaires:

  1. So did you participate in the rain dance?

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  2. Si c'est le Nasara constructeur qui empêche la pluie, moi je dis que c'est la Princesse Steph qui la fait tomber pour les gens de son village. Bravo Princesse! XXXX

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