Les deux premières heures ont été fort agréables. Nous étions comme des petits scouts en randonnée dans la forêt tropicale. Nous chantions, nous riions, nous étions insouciants, bref la vie était belle. Ce bonheur n’a duré que deux heures. Il a disparu une fois arrivé dans la savane*. À partir de ce moment, la souffrance a commencé. Nous n’avons fait que grimper, grimper et encore grimper. Il n’y avait rien d’autre à faire. Il était même difficile d’admirer le paysage puisqu’un épais brouillard entourait la montagne.
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Avant la randonnée |
L’histoire commence par l’idée lumineuse d’une de nos camarades. Pour préserver son anonymat, appelons la MF. Un bon matin, MF propose une randonnée de trois jours sur le Mont Cameroun, un volcan en activité. Ne sachant pas ce que cela impliquait et toujours prête à vivre une nouvelle aventure, j’ai accepté de me joindre au groupe. Pour l’occasion, je me suis même acheté un petit «kit Mont Cameroun». La classe non!
Après avoir payé une fortune pour les droits d’accès à la montagne, la location des sacs de couchage, le salaire des porteurs et la nourriture, nous étions prêts à atteindre le sommet situé à 4000 m d’altitude. Trois jours de marche nous attendaient. Le premier jour, nous devions marcher 8h, le deuxième 11h et le dernier jour, un petit 7h...
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Le brouillard |
Après six heures d’escalade, nous sommes arrivés dans la cabane de tôle où nous allions passer la nuit. Elle était laide, sale, délabrée et couverte de graffitis. Ce n’était pas rassurant mais... Avions-nous d’autre choix? Après avoir mangé et écouté une certaine histoire de beignet magique... Nous sommes allés nous coucher dans l’horrible abri, où il faisait terriblement froid. Sur le plafond, on pouvait lire : «Elvis was here». Je me suis donc assoupie en pensant à Elvis. Je commençais tout juste à m’endormir lorsque j’ai entendu un vacarme dans la cabine voisine. Était-elle hantée?? Avant de nous coucher, nous étions seuls dans ces lieux et voilà qu’en plein milieu de la nuit, on entendait des voix. J’ai vraiment eu la frousse. Était-il possible que des gens escaladent la montagne la nuit, par un froid pareil?? Cela me paraissait invraisemblable. Pourtant, ce n’était pas des fantômes qui occupaient les lieux, mais un groupe de jeunes irrespectueux. Toute la nuit, ils ont eu un débat bruyant sur ... la meilleur façon de préparer du poulet! Leur tapage a duré jusqu’aux petites heures du matin.
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Au milieu de nulle part... |
Ce n’est pas tout! La cerise de la montagne a été la rencontre avec notre nouveau coloc. Au beau milieu de la nuit, MF a commencé à s’agiter dans son sac de couchage. Prise de panique, elle a allumé sa torche pour éclairer... les yeux luisants d’un rat immense qui se promenait juste à côté de nos têtes. Nous nous sommes tous levés pour emballer la nourriture, en espérant que le rat se pousse. Cela n’a pas un brin découragé notre ami rongeur qui a passé la nuit à se balader entre nos sacs de couchage. Le lendemain matin, une belle surprise attendait une de mes camarades. La bête avait rongé son sac jusqu’à le trouer.
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La savane |
Après cette horrible nuit, onze heures de marche nous attendaient. Il restait quatre heures d’escalade sauvage avant d’arriver au sommet et par la suite, c’était la descente qui commençait. Sans aucun enthousiasme, j’ai repris la route. Plus on montait, plus il faisait froid. À chaque fois qu’on atteignait un sommet, un autre plus haut se dressait derrière. On était perdu au milieu de nulle part, je manquais de sommeil, il faisait froid et j’avais mal partout.
Alors que nous étions presque arrivé au cratère, MF a craqué. Ses genoux ne pouvaient plus la soutenir. Celle-là même qui nous avait traîné jusque-là, était forcée de rebrousser chemin, à une heure du sommet. Comme je ne voulais pas la laisser redescendre seule et que l’idée de me faire photographier dans mon kit vert fluo ne m’excitait plus comme avant, j’ai décidé de la raccompagner.
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MF, incognito... |
Nous sommes donc revenus sur nos pas. Dans ma tête, nous pouvions être en ville avant la nuit. Je rêvais d’un bon lit chaud dans une chambre propre sans amis indésirables. J’imaginais la fin de mon calvaire. Malheureusement, je rêvais en couleur. Mon amie souffrait vraiment. Il a fallu 7h pour parcourir la même distance du matin. Le soir, j’ai encore partagé ma couche avec l’horrible bestiole qui était plus hyperactive que la nuit précédente.
Le lendemain, la descente a duré 10h. Elle aurait plus être plus longue si nos porteurs deux fois plus petits et plus minces que MF n’avaient pas décidé de la porter sur leurs épaules, à l’envers, comme un sac de patates!!! J’en ri encore!!
Avec un peu de recul, j’ai essayé de trouver des points positifs à cette aventure. À part une bonne histoire à raconter sur mon blog, j‘ai du mal à en trouver. Durant toute la semaine qui a suivi cette aventure, j‘ai marché comme une handicapée tellement j‘avais mal. Quand à MF, elle a les genoux disloqués, quelques ongles d‘orteils de moins et une infection sévère aux pieds. Un mois plus tard, elle doit encore se soigner.
Un mois plus tard... |
Pour clore cette histoire, je voudrais la dédier à mon ami le rat, allias Elvis, avec qui j’ai partagé beaucoup d’intimité.
*Dormir en cuillère = dormir collé, collé avec une personne (généralement du sexe opposé), qu’on aime bien (habituellement!)
*Savane = endroit où poussent des herbes hautes sur une montagne à pic.