![]() |
Steph au travail |
Si j'ai un peu négligé le blog ces derniers temps, c'est parce que je vais bien et que le travail me tient très occupée. Lorsque que j'ai commencé ce blog, je m'étais promis de ne pas parler du travail que je fais ici. Aujourd'hui, les choses ont changé. Je trouve mon travail aussi intéressant que mes aventures au Cameroun et j'ai envie de le partager avec vous.
Mon mandat avec VSO s'est précisé avec le temps. Alors que les premiers mois ont été plutôt calmes, les dernières semaines ont été particulièrement chargées, tout comme les semaines à venir. Ici, je suis conseillère en développement scolaire. Je n'enseigne pas dans les classes, mais je fais tout un tas d'activités liées à l'éducation de base. J'interviens dans quatre écoles primaires situées dans quatre villages différents.
La situation scolaire de l'Extrême Nord est bien différente de celle du Québec. Dans les écoles primaires, il manque de tout: enseignants, matériels didactiques, infrastructures, personnels qualifiés, etc.. Le contexte culturel est complexe et la pauvreté y est présente dans toutes les sphères de la vie. J'ai passé beaucoup de temps à observer avant de commencer à agir.
La pire salle de classe que j'aie visitée. |
Je travaille principalement avec des associations qui ont pour but de soutenir l'école. Ces associations sont les APEEs (Association de Parents d'Élèves et Enseignants) et les AMEs (Associations de Mères d'Élèves).
L'APEE a pour but de mobiliser tous les parents afin qu'ils s'impliquent dans les activités de l'école. Chaque APEE a un comité directeur qui est le pilier de l'association. Il s'occupe de la collecte de l'argent ou du mil. Souvent, les parents ne peuvent pas donner d'argent, alors ils paient en nature en donnant le fruit de leurs récoltes, le mil. Le comité directeur planifie aussi les activités et organise les assemblées générales. L'argent recueilli par l'association sert à payer le salaire de certains enseignants et à combler les manques de l'école.
![]() |
L'école de Sarmoizougui |
Malheureusement, la tâche est lourde. Les écoles manquent vraiment de tout et les parents les plus impliqués ont du mal à mobiliser les autres parents de la communauté. Ces derniers ne paient pas leurs cotisations ce qui affecte l'efficacité de l'APEE. De plus, ce concept est relativement nouveau et tous les membres de la communauté ne comprennent pas l'utilité de ces associations. Pour terminer, l'isolement de ces villages, la tradition et le taux d'analphabétisme élevé de la population rendent le travail encore plus difficile.
Je travaille aussi avec les AMEs, c'est-à-dire les Associations de Mères d'Élèves. À cause de plusieurs facteurs culturels et sociaux, les femmes ne participent pas aux réunions de l'APEE et elles ont moins de pouvoir que les hommes dans l'éducation de leurs enfants. À la maison, elles doivent obéir à leur mari et elles n'ont pas le droit de le contredire. C'est l'homme qui prend les décisions. Peu importe la décision. Même lorsqu'elle concerne l'éducation des enfants que les femmes mettent au monde dans la souffrance. C'est le père qui est convoqué aux réunions de l'école et il n'enverra pas sa femme à sa place.
Si l'objectif premier des AMEs est de promouvoir l'éducation de la jeune fille, dans les faits, c'est avant tout une occasion pour les femmes de se regrouper et de s'impliquer davantage dans l'éducation de leurs enfants et dans les prise de décisions de l'école. Lorsqu'elles font partie d'une AME, elles deviennent plus fortes et elles peuvent réaliser des choses ensemble. L'AME leur offre un espace où elles peuvent s'exprimer et où leur opinion a de la valeur.
![]() |
Journée de formation pour une AME |
Comme je l'expliquais au début de cet article, j'ai longtemps observé avant d'agir. Au début, tout me semblait tellement compliqué. Puis un jour, j'ai commencé à participer activement aux réunions des associations de parents et à proposer des idées. Ensuite, j'ai commencé à faire des formations pour des groupes précis, ayant des besoins ciblés. Ensemble, nous avons commencé des petits projets concrets, simples, mais utiles. Par exemple sur cette photo, les femmes de mon village ont reçu une formation sur la fabrication du foyer amélioré, une solution locale au problème de la coupe du bois de cuisson. Ce petit four se fabrique avec de l'argile, de la paille et des excréments d'ânes. Après cet atelier, mes mains ont senti le kaka d'âne pendant toute une journée!!
Sensibilisation à Mobono |
J'ai aussi mené un projet de sensibilisation à ma façon. J'ai décidé d'utiliser l'art pour faire passer un message. Pour rassembler les gens, les faire réfléchir et les divertir j'ai eu l'idée d'utiliser la musique et le théâtre. J'ai donc rejoint un chanteur, je lui ai demandé de composer une chanson qui parle de tous les problèmes rencontrés par les acteurs de l'éducation. Il en a composé une version en français et une autre en guiziga, la langue locale. Les villageois ont tout de suite adopté la chanson. J'ai aussi écrit cinq petits sketchs que j'ai remis à un groupe d'acteurs. Eux, ils y ont rajouté leur sauce, leurs épices pour en faire une belle œuvre en langue guiziga. Avec tout ce matériel, nous avons organisé quatre représentations. À chaque fois, ce fut un succès. La chanson à gagné les cœurs et le théâtre en a fait réfléchir plusieurs. Après chaque événement, le public repartait heureux et plus instruit. Plusieurs centaines de spectateurs se sont présentés à ces sensibilisations.
Je n'ai aucune raison pour ne pas me donner à fond dans le travail et c'est ce que je fais. Voilà pourquoi je ne me manifeste pas trop ces derniers temps. Avant de terminer, je tiens à dire que je ne réussirais pas grand chose sans la collaboration de Aminou, mon coéquipier. Je ne suis jamais seule sur le terrain et sans la présence d'un volontaire national, mon travail n'aurait pas la même valeur.
L'équipe |